La traversée des Chic-Chocs
La vie en ville demande beaucoup d’énergie. Être en nature permet de ralentir, vivre le moment présent sans réseau cellulaire, observer la nature autour de nous. Toujours dans ma quête de trouver un équilibre entre besoin de nature et vie citadine, on a décidé de partir une semaine en randonnée découvrir le parc National de la Gaspésie. Le parc fut créé en 1937 afin de protéger le caribou et son habitat, le mont Albert et les monts McGerrigle, ainsi que le saumon de la rivière Sainte-Anne.
Le SIA est un sentier d’une distance de 650km traversant la Gaspésie. C’est le premier GR en Amérique du Nord. Le GR A1 a été inauguré par la Fédération Française de la Randonnée pédestre en 2015. Les GR (grande randonnée) sont des sentiers de randonnée longue distance, dont le plus connu est le chemin de Compostelle. On a décidé d’emprunter le segment du SIA qui traverse le parc national de la Gaspésie d’ouest en est sur une centaine de kilomètres: la Grande Traversée. Le parc se situe dans les monts Chic-chocs. Le nom Chic-Chocs vient d’un mot autochtone chez le peuple Micmac, qui signifie « barrière impénétrable ».
Jour 1
Après avoir dormi au camping Cascapedia, on se lève tôt pour rejoindre le Centre d’accueil au Mont Albert. Une navette nous amène ensuite au refuge du Huard. Après 1h30 de chemins rocailleux, le minibus nous dépose au début du sentier. C’est parti pour 6 jours de randonnée.
Le soleil est au rendez-vous pour notre première journée. Les 15 premiers kms sont difficiles, mais l’excitation d’être enfin dans les bois prend le dessus.
Vers 16h, on arrive au Pic de l’aube. Le sommet nous offre un superbe point de vue sur les montagnes des Chic-Chocs. Des nuages commencent à arriver, on se dépêche et on rejoint notre premier campement, à quelques kms du pic. Une plateforme en bois nous attend. La pluie fera son apparition plus tard dans la soirée, après avoir eu le temps de manger.
Jour 2
On se réveille sous la brume matinale. Je déjeune, avec un café et du gruau « Cookies n cream », nouvelle saveur qui me rend joyeux chaque matin. On continue de traverser forêts et monts, en passant par le Pic du Brulé et le Mont Ernest-Ménard. Le chemin s’ouvre de temps à autre sur des panoramas vastes de plusieurs kms, puis s’enfonçe à nouveau dans les bois. Une longue descente nous ramène au camping Cascapédia. On se dépêche de monter le campement. On essaye d’accrocher tant bien que mal une bâche entre 2 arbres et 2 bâtons de marche. Le tonnerre gronde et un déluge de pluie se met à tomber. On s’abrite et on regarde, impuissant, le sol de notre tente se faire inonder. 30min plus tard, un coin de ciel bleu apparait. On se dépêche de déplacer la tente sur un sol plus caillouteux. On file dans nos sacs de couchage avant que la pluie réapparaisse. Pendant quelques heures, on est resté allongé dans la tente alors que la pluie battante, le tonnerre et les éclairs faisaient leur show, se déplaçant lentement, mais heureusement, vers l'est.
Jour 3
Au réveil, un orignal très sociable nous accueille devant notre campement.
Au programme de la journée: 13km à travers le Mont Ells et le Mont du Milieu pour rejoindre le campement des Fougères. On marche pendant des kilomètres sans autre raison que de contempler les montagnes. Arrivé au campement, je descends au lac Manni filtrer de l’eau et me laver un peu. On passe la soirée avec nos voisins du campement, en partageant des histoires devant nos meilleurs plats lyophilisés.
Jour 4
On se réveille à 6h pour lever le campement. Une longue journée nous attend avec l’ascension du mont Albert. Le brouillard a fait son apparition et rend la forêt très mystérieuse. La marche y est beaucoup plus compliquée, dans un épais brouillard qui nous empêche de voir à plus de 3m. Au bout de quelques kilomètres, la végétation se fait de plus en plus rare. On n’a aucune visibilité. On émerge sur un grand plateau, on est dans la toundra. Le lichen recouvre les roches, les cairns nous indiquent la direction à prendre. On rejoint ensuite le sommet nord du Mont Albert. La montée est très difficile, avec une pente très raide. Au bout, un observatoire nous attend. Un tableau gris s’offre à nous. On décide de s’arrêter 30min dans l’espoir que le ciel se découvre. Sans succès. On se fait une petite collation antioxydante en cueillant quelques bleuets et on reprend la route et arrivons à un deuxième sommet. Des passerelles en bois sont disposées afin de ne pas abîmer la végétation fragile. Par miracle, le ciel se découvre et laisse apercevoir les montagnes infinies des Chic-Chocs. Un très beau spectacle, avant d’entamer la descente finale vers le campement du Mont Albert. Le retour est très long et fait mal aux jambes. Après 18km de marche, on arrive au campement, où l’on retrouve notre voiture et une douche. Une petite coupure qui va nous faire du bien.
Jour 5
Se faire réveiller par le bruit des oiseaux, la lumière du jour, la rosée. Se lever, faire un café, s’étirer. On finit par s’habituer à ce quotidien en plein air, aux nuits par terre sous la tente et aux journées entières à marcher dans la nature.
Une fois levés, nous voilà dans un bus scolaire qui nous amène en bas du Mont Jacques Cartier. L’ascension du mont est assez tranquille, le sentier étant assez large et très bien aménagé. Au sommet, une tour d’observation permettant d’explorer les monts alentours. Point culminant du parc à 1268m, le mont Jacques Cartier est le 2e plus haut sommet du Québec. La toundra alpine dénudée au sommet donne l'impression d'être dans le Grand Nord. La saison pour parcourir ce sentier est courte, car il traverse la toundra où vivent les caribous, et il est essentiel de ne pas les déranger pendant leur période de reproduction. Le vent est assez puissant donc nous commençons la descente en direction du campement. La descente est périlleuse. Il faut enjamber de gros rochers. Après un lunch bien mérité, on reprend le sentier pendant quelques kms avant de s’arrêter soudainement. Devant nous, derrière des roches dépassent de majestueux bois de cervidés. On s’avance très lentement, et on observe un caribou, couché au bord du sentier. Quel moment magique. On l’observe quelques minutes avant de reprendre la route, tout excité. On rejoint le campement quelques heures plus tard, pour une dernière nuit en montagne.
Jour 6
C’est le jour du retour. Très belle journée, avec la traversée du Mont Xalibu (« Caribou » en algonquin), qui nous offre l’un des plus beaux points de vues du parc. Le Mont Jacques-Cartier en arrière, le Mont Albert devant nous. La descente vers le lac aux Américains est magnifique. Le lac aux Américains est un cirque glaciaire apparu il y a environ 10 000 ans. On s’arrête le temps d’une barre céréales avant de reprendre le chemin. Cette journée de randonnée était plus facile (la plupart du chemin du retour se fait en descente), mais aussi nostalgique, car on retourne dans la monotonie de la vie quotidienne. Un déluge tombe pour nos derniers kilomètres. On garde le sourire et on arrive, trempé au Centre d’accueil du Mont Albert.
On file dans l’accueil pour se sécher et acheter quelques snacks. Après 6 jours de marche à travers les montagnes sauvages de la Gaspésie, on s’en va commander une poutine et une bière bien méritée au Gite du Mont Albert.
C’est la fin. Mon carnet rempli de croquis de ces montagnes infinies. Mon appareil argentique rempli de souvenirs et d’incertitudes.
La grande traversée nous aura permis de découvrir 3 des plus hauts monts du Québec, ainsi qu’une très grande variété de paysages: Toundra alpine, ruisseaux, lacs vierges, et une multitudes de sommets dénudés de plus de 1000m.
TIPS:
-Réservation obligatoire pour les campements, ainsi que pour les navettes.
-Suspendre la nourriture pendant la nuit, même s’il y a peu de risque (les ours se font très rares dans la région)
-Le bistro du Gîte du Mont Albert est ouvert au non-clients, parfait pour un bon repas de fin de randonnée.
-Estimé à moins de 50 individus, le troupeau de caribous de la Gaspésie est considéré comme étant en voie de disparition. Certains experts estiment qu’ils pourraient disparaître dans les 50 prochaines années. Pour en savoir plus et signer la déclaration Caribou je t’aime, ou encore faire un don, cliquez ici.